Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le garde champêtre de la commune libre
Publicité
Newsletter
Le garde champêtre de la commune libre
Le garde champêtre de la commune libre
Archives
Visiteurs
Depuis la création 138 237
Derniers commentaires
20 août 2012

Souvenirs (suite) : LES VENEZ'

Lorsque j’arrive en Martinique, je sais que je ne viens pas pour visiter ce coin de France à 7000 km de chez moi et que je serai probablement très loin de la carte postale type

 

15176Photo du net

  Nous venons de traverser quelques périodes très difficiles Framboise émerge juste de ses problèmes de santé et moi pour tout arranger je perd mon job, c’est donc avec un certain nœud au ventre que j’abandonne pour un temps ma moitié, sachant déjà que dans  ces cas là les appuis ne sont pas légion et que ce n’est pas trop la peine de compter sur le proche entourage … Je ne m’étendrais pas sur ce dernier point que j’analyse souvent en aparté avec  un certain dépit.

C’est donc  passablement désabusé mais décidé et les manches relevées que je pose le pied sur le sol martiniquais, Comme je l’avais présagé le chantier est techniquement une belle galère, heureusement je m’entends immédiatement très bien avec l’ingénieur responsable et nous nous battons vraiment en déployant tous nos moyens.

 Lorsque j’arrive une seule barge est équipée pour forer avec du matériel complètement obsolète,

 

La Barge

 J.P. L’ingénieur parachuté quinze jour avant moi pour reprendre la tête de ce chantier qui avait pris un retard considérable, a récupéré sur l’ile tout ce qui permettait d’équiper un second atelier de forage. Il m’avoue ne pas être spécialiste de ce type de perforation et est bien conscient que tous ne va pas aller comme sur des roulettes il va falloir bidouiller. Ca je sais faire, la mer n’est pas mon élément naturel (je ne sais même pas nager) mais en montagne il faut aussi composer avec ce que l’on a sous la main et faire beaucoup avec pas grand-chose, donc « même pô peur ! ». Seulement je me trouve ici confronté à un problème que je n’ai jamais eu même sur les pires chantiers métropolitains :... La couleur de ma peau ! Si elle régale les moustiques qui s’en délectent à cœur joie, le statut de chef que l’on m’a gentiment prêté lui donne sur ce bout de terre un déplaisant relent colonial. J'en suis fort marri et cela me pose un énorme problème d'adaptation et de communication.

Et bien je n’étais déjà pas raciste avant cette expérience, mais je vous jure que quand vous avez été confronté à l’absurdité de cet état d’esprit en étant du mauvais côté de la barrière, vous en mesurez encore bien mieux  l’aberration !!! En un mot comme en cent, je ne suis pas en odeur de sainteté et il me faut absolument trouver du soutient. Par chance Pierre, le local qui aura la même responsabilité que moi  durant l’autre poste est un gars super qui a une bonne influence…Il fera ce qu’il peut pour me faire intégrer. Ma diplomatie parfois complétée par de belles empoignades musclées en dehors du chantier (et jamais au bord de l'eau..En cas de chute j'aurais l'air fin !) fera le reste… La deuxième barge est prête mais  il manque des foreurs pour que les deux ateliers tournent jour et nuit six jours sur sept.

 

La filiale vénézuélienne nous envoie du renfort. Débarquent alors quatre gars (deux dans mon poste) qui ne parlent  pas un mot de français mais qui ont droit, venant de la population locale, au même accueil chaleureux que moi. Du coup ça crée des liens nous deviendrons super copains.

Nous attendions des spécialistes et Roman en était un hors pair, par contre je ne mis pas deux heures à comprendre que malgré sa bonne volonté pour ce qui concerne Sandia ce n’était pas le cas…De toute façon il faut faire avec et je sais conduire une machine. En quelques jours mon italien scolaire se mélange au castillant des vénèz  pour former un genre d’espéranto bizarre. Avec beaucoup de bonne volonté Sandia fait des progrès considérables, Roman et moi pallions à ses lacunes et le chantier avance contre vents et marées.

La Barge 2

Par contre si au boulot ils se débrouillent exceptionnellement, en dehors du chantier ils se font plumer et rouler dans la farine. La première semaine un bel acompte s’évapore en deux jours, je comprends qu’ils n’entendent rien à la valeur de notre monnaie. Alors je fais le grand frère, les emmène faire les courses et surveille leurs dépenses. On me met en relation avec Maria-Helena une jeune serveuse vénèz qui aide les marins sud américains dans leurs démarches. Elle m’indiquera la banque d’où ils peuvent envoyer  leurs économies sur frais de déplacement et heures sup. chez eux et en « bolivaros ». Lorsqu’un problème que je ne comprends pas se présente et que je juge que l’entreprise n’a pas à le connaitre, au lieu de faire traduire sur site c’est la petite qui fait l’interprète. J’apprends ainsi que Sandia nous a « gonflé » son C.V. pour pouvoir travailler, il n’avait plus de boulot dans la filiale (bien sûr pas de chômage technique) et jeune veuf, il avait quatre petites filles à nourrir dont la dernière n’avait pas deux ans. Ramon fut son complice pour le faire venir, avec l’ingénieur nous le sommes devenus pour le garder et du coup, en fin de chantier son fameux CV était devenu pérenne. J’avais mes dimanches de libres et un véhicule alors je les emmenais visiter l’ile, les deux « miens » et les deux autres, mon catogan les amusait beaucoup ils me surnommaient en dehors du chantier « Coleta ».

 

Les Venèz

Par contre au boulot impossible de les faire m’appeler autre ment que « Jefe », malgré notre amitié ils ne se seraient jamais permis au travail un surnom qui aurait pu passer pour un manque de respect. Nous allions généralement prendre en fin de dimanche après midi une bière au comptoir de Maria-Helena ils lui parlaient du pays elle me traduisait l’essentiel. J’appris ainsi que les quatre « ninas » de Sandia rêvaient en feuilletant un catalogue Barbie tout en jouant avec les poupées de chiffons que leur tante confectionnait. Seulement la belle Barbie coute un sacré paquet de Bolivaros…Je m’arrangeais pour avoir un prix de « tombé de camion »Ce n’est pas très honnête mais c’est pour la bonne cause, on se cotise on récupère 2 coffrets pour le prix d’un, la petite vénèz se charge de l’expédition. Quelques semaines après Sandia raccrochera le téléphone en pleurant comme un enfant : Les Ninas avaient reçu le colis.

 

pMAT1-11973251regimage du net

 

Se sont ces petites histoires du quotidien, ces petits riens, qui tissent les liens d’amitiés et pansent certaines plaies. Je pense souvent à eux que je n’ai jamais revu, j’ai su que Roman a croisé un de mes amis sur un chantier en Angleterre il y a une dizaine d’années déjà et m’a passé le bonjour. Je pense aussi souvent aux 4 petites ninas que je n'ai connues qu'en photo. Ce doit être de bien belles jeunes femmes maintenant.

Au prochain billet je vous parle de mes amis maliens à Paris

 

ADIOS COMPANEROS

Publicité
Publicité
Commentaires
M
Oulala tu me mes larmes aux yeux avec tes souvenirs!!!!<br /> <br /> Tu peux continuer à nous raconter ta vie au coin du feu (euh non au bord de la piscine vu la chaleur!) c'est chouette!
J
Quel récit !<br /> <br /> quelle tranche de vie , je sentais que tu avais vécu des choses fortes , et douloureuses à la fois , j'imagine combien Dame Framboise devait aussi essuyer quelques larmes durant cette séparation <br /> <br /> force , courage , intégrité , voilà , c'est tout toi <br /> <br /> et profonde humanité <br /> <br /> géniale la photo avec le catogan !<br /> <br /> <br /> <br /> merci
P
Oui, vraiment émouvant ton récit... tu avais déjà en toi cet altruisme dont beaucoup doivent se souvenir et notamment les quatre petites ninas et leur papa. Une période pourtant pas facile à vivre avec ta jeune épouse seule et sortant de problèmes de santé. Ajouté à cela un chantier pas des plus faciles...<br /> <br /> Alors bravo, et raconte encore steplé, j'aime quand les gens ont des souvenirs aussi intéressants.<br /> <br /> biz à vous deux.
8
Je ne sais pas si Titeza me croira, mais toi tu sauras que c'est vrai: j'ai fini de lire les yeux pleins de larmes et la gorge serrée.<br /> <br /> J'ai un Ami qui aime la Vie, les Femmes, et les "Belles Personnes"<br /> <br /> Tu es "une belle personne" Merci d'être mon Ami et S'il te plaît, raconte encore........... Prends juste le temps de boire L'apero au Mollard avec les copains d'aujourd'hui<br /> <br /> Bises à vous deux ++++
T
Ca m'a grandement ému. J'en ai les larmouilles aux yeux. <br /> <br /> Quelle belle leçon d'humanité que tu narres. Merci ça fait du bien. <br /> <br /> <br /> <br /> Bisous à vous deux.
Publicité